vendredi 6 novembre 2009

comment devient on fille ou garçon
http://www.scribd.com/doc/22200360/comment-devient-on-fille-ou-garcon

Acquisition des connaissances sur les rôles des sexes

Extrait du premier chapitre du livre Filles-Garçons : socialisation différentiée ?
Sous la direction d’Anne dafflon-Novelle, PUG 2006


disponible dans son intégralité :
www.pug.fr/extrait_ouvrage/Efilles-garçons.pdf

Les recherches portant sur les connaissances des enfants en matière de rôles et objets sexués montrent que ces derniers les acquièrent très rapidement dans leur développement (pour une revue, voir Huston, 1983 ; Le Maner, 1997 ; Ruble & Martin, 1998). Dès 20 mois, les enfants ont des jouets préférés typiques de leur propre sexe.
Dès 2-3 ans, les enfants ont déjà des connaissances substantielles sur les activités, professions, comportements et apparences stéréotypiquement dévolus à chaque sexe.
Blaske (1984) montre qu’à cet âge, des enfants associent à des professions stéréotypées significativement plus de prénoms correspondant au sexe des personnes qui habituellement exercent cette profession que des prénoms correspondant au sexe des personnes qui n’exercent que rarement cette profession. Ainsi, des prénoms masculins sont plus souvent associés aux métiers de charpentiers ou de médecins, et des prénoms féminins sont plus souvent associés aux professions d’infirmiers ou d’enseignants2 auprès de jeunes élèves. En outre, les enfants savent, par exemple, que pompier ou policier sont des professions majoritairement exercées par la gente masculine, et ceci, même s’ils n’ont jamais vu en vrai un pompier ou un policier dans l’exercice de leur fonction.
De même, vers 2-3 ans, les enfants ont adopté la plupart des activités et attributs de leur propre sexe : jouets, habits, accessoires, comportements, activités, émotions, etc. Par ailleurs, dès 3 ans, les enfants sont conscients du comportement différencié des adultes en fonction du sexe de l’enfant (Muller & Goldberg, 1980). Les enfants sont capables de prédire que les adultes vont plutôt choisir un jouet féminin pour une petite fille et inversement, un jouet masculin pour un petit garçon. Cette conscience que les adultes se comportent différemment envers des enfants de sexes différents augmente nettement entre 3 et 5 ans.

Construction de l’identité sexuée

Extrait du premier chapitre du livre Filles-Garçons : socialisation différentiée ?
Sous la direction d’Anne dafflon-Novelle, PUG 2006


disponible dans son intégralité :
www.pug.fr/extrait_ouvrage/Efilles-garçons.pdf


Il faut tout d’abord souligner que le sexe est, avec l’âge, les deux premières catégories sociales utilisées par les enfants pour comprendre le monde qui les entoure.
Elles sont même considérées comme étant les attributs que les enfants utilisent en tout premier pour différencier les humains (Lewis & Feiring, 1979). Âgés de quelques mois, donc bien avant d’être en mesure de verbaliser cette distinction, les bébés sont déjà capables de distinguer des individus de sexe différent (Maccoby, 1990, d’après les études de Fagan & Shepherd, 1982 et Fagan & Singer, 1979) et des individus d’âge différents (Fogel, 1979). En outre, à tous les stades de leur développement, les enfants construisent activement pour eux-mêmes ce que signifie être de sexe masculin ou être de sexe féminin ; il ne s’agit en aucun cas d’un simple apprentissage (Golombok & Fivush, 1994).
Les enfants passent par plusieurs étapes avant de comprendre, d’une part que le sexe est stable à travers le temps et les situations, d’autre part que le sexe est déterminé de manière biologique.
Ceci n’est intégré que vers 5-7 ans ; auparavant, les enfants sont convaincus qu’être un garçon ou une fille est fonction de critères socioculturels, comme avoir des cheveux courts ou longs, jouer à la poupée ou aux petites voitures, etc.
Au premier stade, appelé identité de genre, alors âgés de 2 ans environ, les enfants sont capables d’indiquer de manière consistante le sexe des individus qu’ils rencontrent en se basant sur des caractéristiques socioculturelles, comme la coiffure, les vêtements, etc. Puis vers 3 ou 4 ans, durant le deuxième stade, appelé stabilité de genre, les enfants comprennent que le sexe d’un individu est une donnée stable au cours du temps. Les filles deviendront des femmes et les garçons deviendront des hommes. En effet, durant le premier stade, les enfants ne font pas encore le lien entre les quatre catégories sociales : garçons, filles, hommes et femmes. Cependant, si durant cette deuxième étape, les enfants font le lien entre les personnes de même sexe à différents âges de la vie, ils n’ont pas encore intégré que le sexe est une donnée stable par rapport aux situations : une personne qui adopte les attributs du sexe opposé peut changer de sexe d’après eux. Par exemple, face à un homme en robe, les enfants estimeront qu’il s’agit d’une femme, mais face au même homme en tenue vestimentaire masculine, les enfants vont estimer qu’il s’agit d’un homme.
Ce n’est que vers 5-7 ans que les enfants passent au troisième stade appelé constance de genre : ils ont alors intégré que l’on est un garçon ou une fille en fonction d’un critère biologique stable, l’appareil génital, et que le sexe est une donnée immuable à la fois au cours du temps et indépendamment des situations. Il est important de souligner que les enfants vont progressivement atteindre le stade de constance de genre.
Pour eux-mêmes tout d’abord, les enfants comprennent que même en adoptant le comportement socialement dévolu à des enfants du sexe opposé, ils restent néanmoins un enfant de leur propre sexe. Puis, ce même constat va se faire à propos des autres membres de leur entourage : si leurs petits camarades se déguisent en personne du sexe opposé, ils ne changeront pas pour autant de sexe aux yeux des enfants. Cependant, le stade de constance de genre est totalement atteint lorsque les enfants adoptent le même raisonnement pour des personnes qui leur sont totalement inconnues.

La France peu sensible à l'inégalité filles-garçons

Article d'Ariane Chemin Le Monde, 14 Novembre 2008

En France, les programmes suédois pour l'égalité des sexes font volontiers sourire : ils passent, au mieux, pour une manifestation des ravages du politiquement correct, au pire, pour le signe d'une obsession égalitaire qui prend parfois les allures d'un contrôle social. Pourtant, les études françaises aboutissent à la même conclusion que les travaux suédois : à l'école, les filles et les garçons ne sont pas traités de la même façon.
Les travaux montrent ainsi que, à copie égale, les filles et les garçons n'obtiennent pas les mêmes notes : en physique, les garçons sont évalués plus généreusement que les filles lorsque les copies sont bonnes, plus sévèrement qu'elles, lorsqu'elles sont mauvaises, comme si les enseignants s'attendaient à de meilleurs résultats de la part des garçons. « Du coup, les enseignants les encouragent plus vivement lorsqu'ils réussissent et les sanctionnent plus durement lorsqu'ils les déçoivent », explique Marie Duru-Bellat, sociologue à Sciences Po.
Ce « double standard » joue aussi en matière de comportement : les garçons sont interrogés plus souvent, et leurs interventions spontanées mieux tolérées. « Les enseignants, sans en avoir conscience, interagissent avec les garçons dans une proportion des deux tiers, note Nicole Mosconi, professeur émérite à Paris-Ouest. Et leur indiscipline est tolérée comme un comportement fâcheux, mais inévitable, alors qu'elle est stigmatisée chez les filles. »
Malgré ces travaux, la prise de conscience de ces différences de traitement reste embryonnaire. « En France, nous préférons mettre l'accent - légitimement d'ailleurs - sur les inégalités sociales ou les discriminations ethniques, note Marie Duru-Bellat. Paris n'est certes pas Kaboul, mais l'accumulation de ces petites différences qui paraissent à première vue dérisoires finit par peser : le fait que les enseignants s'intéressent moins aux filles, notamment dans les matières scientifiques, semble nourrir une moindre affirmation de soi que l'on retrouve chez les femmes dans le monde du travail. »
Comme en témoigne un colloque sur l'égalité professionnelle organisé à Paris les 13 et 14 novembre dans le cadre de la présidence de l'Union européenne, la France commence à se préoccuper de ces inégalités. En 2000, un bulletin de l'éducation nationale proposait aux enseignants une liste de scénarios avec des recommandations : comment faire, par exemple, lorsque des garçons coupent la parole à une fille en maths ? Et le 8 mars, la rectrice de Besançon, Marie-Jeanne Philippe, a été nommée à la tête du comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les filles et les garçons à l'école (2006-2011).

L'égalité des sexes à bonne école

Article d'Ariane Chemin, Le Monde, 14 Novembre 2008

Une chercheuse suedoise a constaté que dès l'âge de 1 an, filles et garçons n'etaient pas traités de la même façon.
Elles glissent en riant sur les toboggans, grimpent avec énergie sur les bancs, s'emparent des voitures à roulettes que les animatrices ont mises à leur disposition. Emma, Ida et Alice, qui viennent de fêter leurs 3 ans, profitent d'un des temps non mixtes instaurés en 2005 par l'école de Järfälla, dans la banlieue de Stockholm : une fois par semaine, les fillettes de cette école pilote en matière d'égalité des sexes sont invitées, pendant la matinée, à faire de la gymnastique "entre elles".Cette - légère - entorse au principe de mixité a été introduite au nom de l'égalité entre filles et garçons. "Lorsque les enfants faisaient de la gymnastique ensemble, les garçons prenaient toute la place, raconte Ingrid Stenman, l'une des responsables de l'école. Ils accaparaient les jeux, ils occupaient l'espace, et les filles finissaient par s'effacer : elles se retrouvaient dans les coins. Depuis que les filles sont entre elles, elles reprennent confiance. Elles jouent librement et elles découvrent que faire du toboggan, sauter ou courir, c'est vraiment amusant !"
Leçons de vie domestique.
Depuis 2005, les 24 éducateurs de cette école suédoise qui accueille une centaine d'enfants âgés de 1 à 5 ans ont aussi tenté de modifier leur comportement. "Nous n'en avions pas conscience, mais avant, nous encouragions les garçons à prendre des risques, à sauter, à s'amuser, alors que nous disions sans cesse aux filles de faire attention, poursuit Ingrid Stenman. Nous restions autour d'elles, à les retenir comme si elles allaient tomber ou à les aider comme si elles n'allaient pas y arriver. Sans le savoir, nous les empêchions de profiter des jeux !"Il y a encore quelques années, Ingrid Stenman aurait pourtant souri à l'idée que, dans son école, les filles et les garçons n'étaient pas traités de la même manière. Mais, en 2004, une chercheuse spécialisée dans les questions de "genre" est venue travailler à Järfälla dans le cadre d'un programme gouvernemental sur l'égalité des sexes. Pendant plusieurs mois, elle a filmé les activités, observé l'accueil des enfants le matin, assisté aux repas de midi.
Et ses conclusions ont stupéfié les éducateurs : sans en avoir conscience, ils réservaient aux filles et aux garçons un traitement bien différent.Les adultes laissaient ainsi beaucoup plus de place aux garçons, qui utilisaient en moyenne les deux tiers du temps de parole.
Lors des échanges avec les enfants, les éducateurs acceptaient sans difficulté que les garçons interrompent les filles alors qu'ils demandaient aux filles d'attendre patiemment leur tour. Enfin, ils avaient deux registres de discours : des phrases courtes et directives pour les garçons, des discours plus longs et plus détaillés pour les filles. Lors des repas, ces différences tournaient à la caricature : les films tournés en 2004 montrent des petites filles de 3 ou 4 ans servant docilement des verres de lait ou des assiettes de pommes de terre à des petits garçons impatients.
Une répartition des rôles encouragée, bien involontairement, par les éducateurs. "Sans nous en rendre compte, nous demandions aux filles de nous aider à porter les plats et à participer au service, sourit Barbro Hagström, l'une des éducatrices. Nous ne sollicitions jamais les garçons."Dans un pays où l'on ne plaisante pas avec l'égalité des sexes, l'étude a consterné les éducateurs. "Nous avons découvert que nous avions des préjugés sur la manière dont doivent se comporter les enfants, constate Mme Hagström. Nous attendions des filles qu'elles soient calmes, polies et serviables, alors que nous acceptions sans difficulté que les garçons fassent du bruit et réclament haut et fort ce qu'ils voulaient. Cela a suscité beaucoup de discussions à l'école, mais aussi dans ma famille, qui compte trois garçons !"
En 2004, le gouvernement suédois, qui a consacré près de 500 000 euros à des projets scolaires sur l'égalité des sexes, a alloué 7 525 euros à l'école de Järfälla. Pendant un an, Ingrid Stenman a suivi à mi-temps un cursus universitaire sur le "genre", qui lui a permis de découvrir que les éducateurs de Järfälla agissaient en fait comme la plupart des adultes. "
Dans les écoles, comme dans les familles, les stéréotypes restent très présents, même si les parents ou les enseignants n'en sont pas conscients", résume Lars Jalmert, professeur à l'université de Stockholm.Au terme de ce travail, l'équipe éducative de Järfälla a décidé d'instaurer deux temps non mixtes d'une heure trente par semaine. Selon les éducateurs, ces moments permettent aux enfants de profiter tranquillement des jeux associés à "l'autre sexe".Les filles peuvent ainsi conduire des voitures ou sauter sur les bancs sans que les garçons les dérangent. Réunis dans une autre salle de jeux, les garçons, eux, s'amusent avec des dînettes, des peluches et des poupées sans que les filles viennent s'approprier les lieux et leur donner des leçons de vie domestique. La mixité est aussi suspendue, de temps à autre, pendant les repas : pour éviter que les filles jouent les auxiliaires de service, certains déjeuners se déroulent autour de tables séparées. Mais l'étude de 2004 a surtout conduit les éducateurs à prêter une attention nouvelle à leurs gestes de tous les jours. "Ce travail nous a ouvert les yeux, résume Ingrid Stenman.
Aujourd'hui, nous tentons de faire bouger les frontières : un garçon qui veut jouer à des jeux "de fille" ne doit pas se sentir faible ou ridicule, une fille qui s'affirme et prend la parole ne doit pas sentir de réprobation. C'est un jeu "gagnant-gagnant" qui ouvre de nouveaux espaces aux filles comme aux garçons : s'ils le souhaitent, ils peuvent sortir des schémas traditionnels."Le programme sur l'égalité des sexes lancé en 2004 par le gouvernement a touché 28 écoles accueillant des enfants de 1 à 5 ans. "Les désordres scolaires sont liés, pour beaucoup, aux inégalités entre les sexes et au manque de respect pour les autres êtres humains, affirme Nyamko Sabuni, la ministre de l'intégration et de la parité du gouvernement de centre droit. Le combat pour l'égalité des sexes doit commencer le plus tôt possible."
Un budget de près de 11 millions d'euros doit permettre d'étendre ce programme aux écoles élémentaires dans les années à venir.