vendredi 6 novembre 2009

La France peu sensible à l'inégalité filles-garçons

Article d'Ariane Chemin Le Monde, 14 Novembre 2008

En France, les programmes suédois pour l'égalité des sexes font volontiers sourire : ils passent, au mieux, pour une manifestation des ravages du politiquement correct, au pire, pour le signe d'une obsession égalitaire qui prend parfois les allures d'un contrôle social. Pourtant, les études françaises aboutissent à la même conclusion que les travaux suédois : à l'école, les filles et les garçons ne sont pas traités de la même façon.
Les travaux montrent ainsi que, à copie égale, les filles et les garçons n'obtiennent pas les mêmes notes : en physique, les garçons sont évalués plus généreusement que les filles lorsque les copies sont bonnes, plus sévèrement qu'elles, lorsqu'elles sont mauvaises, comme si les enseignants s'attendaient à de meilleurs résultats de la part des garçons. « Du coup, les enseignants les encouragent plus vivement lorsqu'ils réussissent et les sanctionnent plus durement lorsqu'ils les déçoivent », explique Marie Duru-Bellat, sociologue à Sciences Po.
Ce « double standard » joue aussi en matière de comportement : les garçons sont interrogés plus souvent, et leurs interventions spontanées mieux tolérées. « Les enseignants, sans en avoir conscience, interagissent avec les garçons dans une proportion des deux tiers, note Nicole Mosconi, professeur émérite à Paris-Ouest. Et leur indiscipline est tolérée comme un comportement fâcheux, mais inévitable, alors qu'elle est stigmatisée chez les filles. »
Malgré ces travaux, la prise de conscience de ces différences de traitement reste embryonnaire. « En France, nous préférons mettre l'accent - légitimement d'ailleurs - sur les inégalités sociales ou les discriminations ethniques, note Marie Duru-Bellat. Paris n'est certes pas Kaboul, mais l'accumulation de ces petites différences qui paraissent à première vue dérisoires finit par peser : le fait que les enseignants s'intéressent moins aux filles, notamment dans les matières scientifiques, semble nourrir une moindre affirmation de soi que l'on retrouve chez les femmes dans le monde du travail. »
Comme en témoigne un colloque sur l'égalité professionnelle organisé à Paris les 13 et 14 novembre dans le cadre de la présidence de l'Union européenne, la France commence à se préoccuper de ces inégalités. En 2000, un bulletin de l'éducation nationale proposait aux enseignants une liste de scénarios avec des recommandations : comment faire, par exemple, lorsque des garçons coupent la parole à une fille en maths ? Et le 8 mars, la rectrice de Besançon, Marie-Jeanne Philippe, a été nommée à la tête du comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les filles et les garçons à l'école (2006-2011).

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