vendredi 6 novembre 2009

Filles et garçons à l’école maternelle

Leila Achérar, chargée de mission, a mené une enquête en 2003 dans des écoles maternelles de l’Hérault.

Pour lire l’intégralité de l’étude :
http://www.inegalites.fr/spip.php?article454&id_mot=29


Extraits :
« Ce temps d’interactions verbales entre la maîtresse et les élèves est souvent, bien que de façon non intentionnelle, , marqué par des échanges plus fréquents avec les garçons qu’avec les filles, ce quel que soit le support (conte, livre…).

Exemple parmi d’autres, cette séquence autour d’un livre.

Antoine vient de présenter à ses camarades de classe le dernier album reçu en cadeau.
- La maîtresse : Avez-vous des questions à poser à Antoine…(silence).Que fait le loup pour faire peur à la chouette ?
- Jean : il va sous l’arbre et crie pour la déranger.
- La maîtresse : Que fait-il encore ? Jérôme !
- Jérôme : Il se promène.
- La maîtresse : Non, ce n’est pas ce que j’ai demandé… Louis !
- Louis : Il donne des coups de griffe sur l’arbre.
- La maîtresse : Que fait-il encore ?
- Rachel : Peut être il peut grimper sur l’arbre.
- Louis : Non, les loups, ça ne grimpent pas !
- La maîtresse : Que peut-il faire encore…(en voyant les doigts levés)? C’est toujours les mêmes qui parlent… Alexis !
- Alexis (silencieux)
- La maîtresse : Tu as une idée Lola ?
- Lola : Il grimpe…
- La maîtresse (interrompant Lola ) : On l’a dit ! Que peut-il faire
d’autre, Julien ?
Suivent les réponses de Louis, Jean et Rachel. Puis Jean, Louis,
Valentine; puis Antoine et Jean…
De fait les garçons sont à la fois beaucoup plus souvent partie prenante des interactions, mais aussi plus souvent sollicités. »

« Alors qu’à l’école maternelle peu de contenus sont prescrits, des choix sont opérés en termes de savoirs et de socialisation. En l’absence de prescription, se fabriquent de fait à l’école des catégories intellectuelles et des modes d’élaboration de la pensée qui, loin de remettre en cause la division traditionnelle du travail de production et de reproduction entre les sexes, tentent, au détriment de l’expérience des enfants, de les renforcer.

Séquence de technologie : les gants

La maîtresse propose une série de gants, il s’agit de les reconnaître, de nommer le matériau qui les compose et de dire à quoi ils servent. Il y a là des gants de ski, des moufles qui « protégent du froid », des gants de cycliste, des gants en plastique, des gants de cheval, des gants de boxe, des gants de karaté; il y a des gants pour se protéger du froid, pour se laver, pour jardiner, un gant de toilette et …des « gants de maman » pour faire la vaisselle, des « gants de papa « pour faire la moto »…
- Damien : Mais moi, ma maman aussi fait de la moto !
- Silence de la maîtresse! Qui poursuit…et ces gants ? ce sont des gants de jardinier !
- Alice : ma grand mère en a pour cueillir les roses. C’est pour ne pas se piquer…
- La maîtresse poursuit l’exercice et ne relève pas …
La séance de travail autour des gants permet l’expression de réponses très largement marquées par le conformisme social. Bien que des enfants, filles et garçons, rappellent que le monde se transforme, l’échange avec l’enseignante se clôt, comme dans cet exemple, sur les représentations les plus stéréotypées. Lors de la vérification des acquisitions de la séquence, les enfants ont « appris », au détriment de leur expérience propre à s’accommoder avec la pensée traditionnelle de la famille.
Lorsque la maîtresse montre un gant de ménage : « ma maman en met pour faire la vaisselle » (une fille) …Une manique : « ma maman met ce gant pour ne pas se brûler » (une fille) …Un gant de moto : « mon papa fait de la moto, il met des gants comme ça ! » (un garçon)… Ce à quoi une fille réagit – dans l’indifférence de tous- : « On n’a pas dit un gant de monsieur ! ».

On ne peut bien évidemment traduire cette situation, représentative de beaucoup d’autres, par la volonté systématique de la maîtresse de privilégier une lecture fixiste du monde. Mais les silences sur l’évolution des rapports sociaux entre les hommes et les femmes peuvent à terme cautionner une interprétation du monde marquée par la division sexuelle du travail, c'est-à-dire par la ségrégation entre les sexes. »

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